On les vend a Paris, a Lenseigne du Pot cassé. (à la fin) : Ce present Livre fust acheve dimprimer a Paris le XIII. Iour dapvril M.DXXIX, pour Maistre Geofroy Tory de Bourges, qui le vend au dict Paris a Lenseigne du Pot casse (13 avril 1529).
Petit in-8, contenant (16) ff. préliminaires, 99 ff. de texte et (13) ff de table, lettres rondes, marque au pot cassé au dernier feuillet, l’ensemble du texte est imprimé au sein d’un triple encadrement de filets.
Plein vélin ivoire, dos lisse, titre et date calligraphiés à l’encre brune, infime galerie de vers en marge intérieure d’une vingtaine de ff. sans atteinte au texte, taches d’encre sur 2 ff., garde finale renouvelée. Reliure du XVIIe siècle.
161 x 103 mm.
Edition originale précieuse et rare de l’un des deux seuls livres de langue française imprimés et traduits par Geofroy Tory (1480-1533), premier imprimeur du roi François Ier, écrivain, graveur et peintre.
Elle précède de quinze jours la parution du Champfleury (28 avril 1529).
« Volume très rare dont M. Auguste Bernard (dans ses intéressantes recherches sur Geofroy Tory) ne signale qu’un autre exemplaire dans la bibliothèque de M. Ambr. Firmin Didot. » (J. Techener. Cat. Felix Solar. Paris, 1860).
« Une des productions rares de Tory » (A. Firmin Didot. Paris, 1878).
« Le seul exemplaire que j’ai vu de cette première édition, possédé par M. Ambroise Firmin Didot… » (Auguste Bernard. Bibliographie de Geofroy Tory – Paris, 1865).
« Volume rare, dont un exemplaire relié en maroquin rouge par Trautz-Bauzonnet a été vendu 142 fr. F OR. Solar, ce qui est un prix exorbitant » (Brunet). A la même vente Solar (Paris, 1860), le bel exemplaire de la première édition du Champfleury du même Geofroy Tory, Paris, 1529, se vendait 152 F OR (valeur actuelle plus de 100 000 €). N°613 du catalogue Solar.
« Geofroy Tory, de Bourges, auquel M. Aug. Bernard a consacré une excellente monographie (voir la colonne 898 du présent volume), s’est rendu célèbre à plus d’un titre… Cependant malgré leur mérite réel, les admirables productions de cet artiste semblaient avoir été presque généralement méconnues ; et c’est seulement de nos jours qu’on a su les bien apprécier. Aujourd’hui les curieux les recherchent avec le plus grand empressement et les payent, pour ainsi dire, au poids de l’or ». (Brunet, année 1865).
« Geofroy Tory, ce grand artiste qui paraît avoir été universel, comme les hommes de génie de son époque, était versé dans les littératures grecque, latine et même hébraïque. Il fut un des propagateurs les plus zélés de la langue française, dont il réforma l’orthographe. Il abandonna le professorat pour apprendre l’art de l’imprimerie, auquel il devait plus tard tracer des règles.
Ses talents d‘artiste de littérateur et de typographe lui méritèrent de François Ier (en 1529) le titre d’imprimeur royal, titre qui fut transmis ensuite à Néobar pour le grec, à Robert et à Charles Estienne pour le latin et l’hébreu, à Olivier Mallard, successeur de Tory, pour le français, et à Denys Janot pour la même langue » (A. Firmin Didot).
Geofroy Tory s’est aussi rendu célèbre par son « Champfleury » paru la même année 1529, ouvrage infiniment moins rare que celui étudié ici. Ses Livres d’Heures sont particulièrement recherchés ; mais deux seules œuvres virent le jour pour lesquelles Tory fut à la fois imprimeur et traducteur et donc, dans la conception du XVIè siècle, auteur : le présent volume, imprimé en 1529 et « les Politiques de Plutarque » imprimé en 1532.
Dans l’épitre imprimée en tête du volume, Geofroy Tory écrit en forme de préface.
Geofroy Tory de Bourges a tous studieux et vrays amateurs dhonneste lecture
et fructueux passe temps dit et donne humblement salut.
Ie vous avois promis nagueres, au preface de la Table de Cebes et des Trente dialogues nouveaulx de Lucian, quen bref de mes petits labeurs je vous ferois quelque aultre nouveau livre, qui a mon advis vous pourroit donner quelque bon et gracieulx passe temps, en vous y esbatant a lire et veoir choses desquelles vostre esperit pourroit en temps et lieu estre recree et savoureusement soulace. A ceste fois cy (mes tres honorables seigneurs), comme vostre petit serviteur, qui vous est totallement desdie, ie vous fayz present dun Summaire de Chroniques, que je vous ay translate, comme les susdictz Cebes et Dialogues, de langue latine en langaige francoys, au moins mal quil ma este possible, vous advertissant que, a la maniere de Jehan Baptiste Egnace, present autheur, ie ny ay meu : ne change le sens de lhistoire en faveur dhomme quelconque. Ma traduction aussi ny est de mot a mot, car ce eust este stille trop mesgre et sans grace aucune. Ie scay, selon Horace, que (nec verbo verbum curabit reddere fidus interpres) ung translateur ne se doibt soucier de rendre ne adresser ung chacun mot de ce quil traduit a aultre mot de son langaige ; mais doibt bien maintenir le sens, et le coucher en plus beau stille qui luy sera possible. Ainsi ay ie faict au mieulx que iay peu, tant pour lamour et honneur que ie vous doibs, que pour ne desvoyer de la pure vente de lhistoire, qui est de telle nature, qu’elle ne veult aucunement estre alienee de sa purite. Marc Tulles Cicero nous la bien enseigne, quant il nous a laisse par escript, au second livre de son Orateur, ou il a dit : « Nam quis nescit primam esse historiae legem, ne quid falsi dicere audeat, deinde ne quid veri non audeat, ne qua suspitio gratiae sit in scribendo, ne qua simulatis ? » Mais qui esse (dit il) qui ne scayt que la premiere loy dhistoire est de ne oser dire chose faulce, et de ne se faindre a dire la verite, afin quil ny aye aucune suspition de faveur ou envye en ce quon escript ? Certainement histoire doibt estre purement vraye, tant pour les causes ia dictes, que pour ce que, comme ledict Ciceron a recite ung peu devant le ia dict lieu allegue : « Historia est testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae, et nuncia vetustatis.» Histoire (dit il) est tesmoignage des temps, lumiere de verite, nourice et vie de la memoire, enseigneresse et maistresse deschole a nostre vie, et messagiere danciennete. Ie vous ay voulentiers plustost choisi faire present dune histoire, et icelle abregee en summaire, que dautre chose, pour ce quen vous y recreant vous y puissiez veoir, comme en ung mirouer, mille excellentes choses, desquelles pourrez cognoistre et entendre innumerables bons advertissemens pour vous faire service quelque foys en temps et lieu. Tite Live dit, en la prefation du premier livre de sa premiere Decade « Hoc illud est precipue in cognitione rerum salubre ac frugiferum, omnis te exempli documenta in illustri posita monumento intueri, unde tibi tuaeque Reipublicae quod imitare cupias, unde foedum inceptum, foedum exitu quod vites. Cela (dit il) est singulierement bon et fructueux en la congnoissance des choses, de veoir et congnoistre en la noble histoire les enseignemens de tout exemple, a limitation et ressemblance de quoy tu pourras eslire pour toy et pour ta chose publicque ce que tu doibvras imiter et ensuyvre, et ce que tu doibvras eviter comme cas abominable, tant au commencement que a la fin. Prenez doncques ores en gre, sil vous plaist ce petit œuvre, et lacceptez de front et face amyable, comme avez de bonne coustume par vostre benivolence, et vous me inviterez, de vostre honneste et singuliere grace, dicy en avant a faire mieulx, aidant Nostre Seigneur Iesus, auquel je prie vous donner a tous son amour et saincte grace, a vostre noble et bon desir.
De Paris, ce X jour Dapvril M. D. XXIX. (10 avril 1529).
Au dernier feuillet du livre on voit le Pot Cassé, avec cette souscription :
Ce premier livre fut acheve dimprimer a Paris, le xiii jour Dapvril M.D.XXIX i, pour Maistre Geofroy Tory de Bourges, qui le vend audict Paris, a Lenseigne du Pot Casse.
Rareté : seuls trois exemplaires sur le marché public depuis 1960 :
– un exemplaire en veau abimé vendu 5 500 £ par Sotheby’s le 27 novembre 1986, il y a 39 ans (“one very small wormhole in the final 28 leaves only affecting a very few letters, contemporary rough calf, spine slightly wormed”),
– « Abrams copy » avec 28 feuillets aux lettres atteintes par un trou de vers, défaut rédhibitoire pour les bibliophiles, adjugé cependant $ 11 000 le 17 novembre 1989, il y a 36 ans,
– un exemplaire en vélin du XIXe avec de nombreuses restaurations vendu par Bonhams 5000 £ le 2 octobre 2012, il y a 13 ans (« ninetenth century vellum, skilful repairs to first two leaves, with part of border made good, minor repairs at end », catalogué et vendu par un libraire renommé quelques mois plus tard au prix de 25 000 €.
Deux exemplaires complets dans les bibliothèques américaines : Harvard Univ. ; Newberry Libr. (relié au XXè siècle par Honnelaître).
Rareté littéraire complète, bien conservée dans son beau vélin du XVIIe siècle, de l’une des plus belles prouesses typographiques de la Renaissance.
Référence : BMC : 7. 1234. 85.