Paris, Jehan Dallier, 1549.
Soit 2 ouvrages reliés en 1 volume in-4 de : I/ 41 ff. (mal numéroté 37) et (1) f.bl. entre les ff. 28 et 29, 9 gravures à pleine page dans le texte dont 1 dépliante et 2 gravures hors texte dont 1 dépliante, (1) f.bl. ; II/ 11 ff. Cachet de bibliothèque sur le f. de titre. Relié en plein maroquin rouge janséniste, dos à nerfs, double filet doré sur les coupes, large roulette intérieure dorée, tranches dorées sur marbrures. Reliure signée Cuzin.
Edition originale rare et précieuse du « plus beau livre d’Entrée des rois de France qui ait été publié » (Ruggieri, 245).
Rahir Ventes, Partie 5, n°1345; Fairfax Murray, French, I, n°150 ; Harvard, French, n°202; Du Colombier, Jean Goujon (1949) p.67-71, planche LVI-LVII ; Vinet 471 ; Picot Rothschild IV, 3114.
« Voici une véritable œuvre d’art. » (Vinet, n°470).
Relations de l’entrée solennelle à Paris d’Henri II et de Catherine de Médicis en 1549, deux ans après l’avènement du roi qui succédait à son père François Ier, mort en 1547.
Le premier ouvrage décrit la cérémonie de l’entrée, le second relate le sacre de la reine, six jours auparavant, à Saint-Denis. En marquant la liquidation de la succession de François Ier, l’événement revêtait une importance politique considérable.
La ville de Paris lui donna une solennité particulière, n’épargnant aucun effort pour en souligner le caractère majestueux : les décors et les édifices furent dessinés et construits sous la direction des plus grands artistes, sans doute Jean Cousin, Jean Goujon et Philibert de l’Orme.
La coutume des entrées solennelles des souverains dans une ville, et principalement dans une capitale, remonte à la plus haute Antiquité et s’est poursuivie pratiquement à toutes les époques. Sauf quelques exceptions, ce n’est qu’à partir de 1515, lors de l’entrée de Charles-Quint à Bruges, que celles-ci auraient donné lieu à des relations imprimées illustrées (von Arnim, Fünf Jahrhunderte Buchillustration, p.91).
Ce beau et rare livre illustré conserve le souvenir des plus belles décorations architecturales du XVIe siècle et décrit la magnificence de cette entrée royale.
Le texte, attribué à Hardouyn Chauveau par une inscription ancienne dans l’exemplaire Soleinne, serait dû, selon V.L. Saulnier (Les Fêtes de la Renaissance, I, pp. 31-59), au traducteur de Serlio, de Vitruve et de l’Hypnerotomachia Poliphili, l’écrivain Jean Martin, assisté, pour les inscriptions sur les monuments, du poète Thomas Sebillet.
Les onze planches sur bois, hors et dans le texte, qui décorent l’ouvrage, en partie signées d’une croix de Lorraine, ont été attribuées aux plus grands artistes, par la perfection de leur gravure et l’élégance de leur dessin, exemples parfaits du style Henri II dans son expression parisienne la plus raffinée, elles passent pour l’un des chefs-d’œuvre de l’illustration française du XVIe siècle. La question reste évidemment ouverte de savoir si ces gravures traduisent les dessins ayant servi à élever les monuments de la réception ou si elles en restituent seulement l’aspect.
« Au titre, belle marque de Roffet ; f.4, la Porte Saint-Denis ; f.5, la Fontaine du Ponceau ; f.9, l’Arc de triomphe de Saint-Jacques ; f.11, un rhinocéros portant un obélisque ; f.13, Portique du Chatelet ; f.15, Arc du pont Notre-Dame ; f.16, décoration du Pont Notre-Dame ; f.19, le Capitaine à cheval, figure remarquable considérée comme un chef-d’œuvre de la gravure sur bois ; entre les ff. 27 et 28, Arc de triomphe du Palais ; f.38, Arc triomphal en forme de H ; en hors-texte, la tribune des joutes. Cette illustration peut être attribuée avec certitude à Jean Goujon, mais la gravure décèle plusieurs mains. » (Brun, Le livre français illustré de la Renaissance, p. 179).
La décoration de ces planches comporte à deux endroits au moins, au pont de Notre-Dame et à la construction flanquant le beautreillis, le monogramme de Diane de Poitiers ; son emblème, le croissant, qui pourrait passer pour un motif décoratif, figure à plusieurs autres endroits, mais sur ces deux constructions son chiffre s’étale complaisamment à côté, voire à la place, de celui du roi ; le texte mentionne les monogrammes au H du roi mais reste muet sur ceux de sa maîtresse, âgée de cinquante ans, qui figurait dans le cortège de la reine sous son nouveau titre de duchesse de Valentinois.
La relation décrivant le sacre de la reine à Saint-Denis mentionne expressément la duchesse de Valentinois à qui fut offert, après la cérémonie, un cierge auquel estoyent attachés les dicts treize pieces d’or.
L’influence stylistique de cette illustration soulève diverses interrogations : on remarque l’apparition, dans le décor de l’obélisque au rhinocéros, de hiéroglyphes français qu’on ne reverra que sept ans plus tard dans l’Orus Apollo ; on a également voulu voir dans l’ornement de la cuirasse du capitaine de la garde une des origines du motif des reliures dites « à la fanfare » (cf. A. Hobson, Reliures « à la fanfare », 6 et Michon, La Reliure française, p.78).
L’ouvrage est orné de 11 gravures à pleine page attribuées à Geoffroy Tory par Fairfax Murray et à Jean Goujon par Brun (Le livre français illustré de la Renaissance, page 179-180). Les quatre dernières sont marquées de la croix de Lorraine mais Geoffroy Tory était mort en 1533. Bernard (G. Tory p.303) donne une excellente description de ces gravures sur bois et cite Renouvier qui attribue le dessin à Jean Cousin et considère ce livre comme « Le chef d’œuvre de la gravure sur bois française ».
Au titre, belle marque de Roffet, surnommé le faucheur ; les croissants et le monogramme HD, présents sur la plupart des grandes figures font référence à Diane de Poitiers, la favorite d’Henri II.
« Jacques Roffet, a imprimé en 1549 une pièce très précieuse intitulée : C’est l’ordre qui a été tenu a la nouvelle et joyeuse entree que… le roy tres chrestien Henry deuxiesme de ce nom a faicte en sa bonne ville et cité de Paris le seziesme iour de iuing M.D.XLIX. Les gravures ont été attribuées à Geoffroy Tory et le dessin est digne de lui ou plutôt de Jean Cousin » (A.F. Didot. Essai sur la gravure sur bois. Paris 1863, Colonne 168).
Voici la liste de ces célèbres gravures sur bois :
– Feuillet 4 : La Porte Saint Denis avec l’Hercule gaulois
– Feuillet 5 : La Fontaine du Ponceau avec Jupiter
– Feuillet 9 : l’Arc de Triomphe de Saint Jacques avec les armes royales
– Feuillet 11 : un rhinocéros portant un obélisque dont l’extrémité est imprimée sur une partie repliée
– Feuillet 13 : Portique du Chatelet
– Feuillet 15 : Arc du Pont Notre Dame
– Feuillet 16 : Très intéressante gravure présentant le Pont Notre Dame décoré et entièrement clos
– Feuillet 19 : la célèbre figure du Capitaine à cheval considérée comme un chef-d’œuvre de la gravure sur bois.
– Arc de Triomphe du Palais
– Arc triomphal en forme de H
– En Hors texte, la tribune des joutes.
« Deux autres tirages furent donnés la même année, l’un à l’adresse de Jehan Dallier avec l’emblème de Roffet, l’autre portant l’adresse de J. Dallier et sa marque. »
Notre exemplaire du tirage de Jehan Dallier porte bien l’emblème de Roffet sur le titre.
Un exemplaire du tirage J. Dallier fut adjugé 115 000 FF (18 000 €) à la vente Harth du 20 novembre 1985 (n°64) il y a 30 ans.
L’exemplaire James de Rothschild appartenait à ce tirage Jacques Dallier avec sa marque sur le titre.
Les planches sont en beau tirage et intactes ; celle de l’obélisque est complète de sa partie supérieure.
Bel exemplaire, complet, finement relié par Cuzin.
De la bibliothèque du Tribunat, Paris, avec cachet sec ; de la collection Otto Schäfer (OS 617, Sotheby’s Londres, 27 juin 1995, n°55).