A Paris, chez la veuve de Claude Barbin, 1699.
In-12 de (4) ff. et 208 pp. à 23 lignes par page.
Plein maroquin rouge, plats ornés d’un grand décor de filets et fers dorés dans le goût du XVIIe siècle, dos à nerfs richement orné, doublures de maroquin rouge ornées d’une large dentelle dorée, double filet or sur les coupes, tranches dorées sur marbrures. Reliure du XIXe siècle signée de Hardy.
161 x 92 mm.
Edition originale rarissime de tout premier tirage des « Aventures de Télémaque » de Fénelon, l’un des plus grands succès littéraires de l’âge classique, imprimée à Paris en l’année 1699 et interdite par le roi Louis XIV.
L’importance de cet ouvrage est telle que le catalogue général des imprimés de la Bibliothèque nationale répertorie 230 éditions parues entre 1699 et 1930 en 15 langues différentes.
« On sait que l’édition originale de 1699 est une édition subreptice. Elle est le fruit d’une trahison. Dans un mémoire écrit de sa main, Fénelon le déclare expressément : « Tout le monde sait que le texte ne m’a échappé que par l’infidélité d’un copiste… ». C’est assez pour que tout incite à voir dans Les Aventures de Télémaque un des ouvrages les plus énigmatiques de notre littérature. Traduit bientôt dans toutes les langues, il eut un succès prodigieux et garde encore aujourd’hui un renom qui semble défier le temps. » (Jacques Brosse).
« Publiées à Paris en 1699, les Avantures de Telemaque sont une œuvre de circonstance dans toute l’acception du terme. On sait, en effet, qu’en 1689, Fénelon devint le précepteur des trois fils du Grand Dauphin. Il dut s’occuper surtout du duc de Bourgogne, le plus difficile d’entre eux, qui se trouvait être en même temps l’héritier de la couronne. C’est dans l’Odyssée d’Homère qu’il a puisé son sujet. Faisant fond sur le livre quatrième, il y choisit le héros le plus propre à intéresser son élève : le jeune Télémaque, fils d’Ulysse, que l’on voit entreprendre un voyage périlleux afin de retrouver son père dont l’absence menace de causer de graves désordres dans le royaume d’Ithaque » (J. Brosse).
« L’impression du premier fragment de ce livre célèbre fut arrêtée dès 1699 à la page 208 par ordre du roi Louis XIV» (Tchemerzine, III, 197).
Marguerite Haillant (En Français dans le texte) consacre une étude d’une page entière à cette œuvre importante de notre littérature.
« Avant que cet ouvrage fut terminé, la censure ayant su que le livre était de l’archevêque de Cambrai (selon M. de Bausset dans son Histoire de Fénelon), l’impression en fut interdire, alors qu’on en était à la page 208 de cette première partie. D’ailleurs les ennemis de Fénelon qui approchaient Louis XIV et avaient déjà réussi à causer la disgrâce de l’auteur des Maximes des Saints, réussirent à persuader au Roi qu’il fallait voir dans les Aventures de Télémaque une critique de sa personne et de son règne, et obtinrent facilement la saisie de ce qui avait paru du livre. Ce n’est donc ici qu’un fragment, qui, pour ce motif de l’interdiction, est devenu très rare. (Bibl. Nat. Y.) « (Jules Le Petit).
« Fénelon fut soupçonné d’un mauvais coup : on prétendit à la Cour qu’il avait fait la satire du roi et de son gouvernement, que, par ailleurs, son livre était un livre à clés et qu’il s’était permis de peindre quelques portraits d’après nature : dans Calypso, Mme de Montespan ; dans Eucharis, Mlle de Fontanges ; dans Antiope, la duchesse de Bourgogne ; dans Protésilas, le ministre Louvois et dans Idoménée enfin, Louis XIV. Dans sa colère, le roi ne vit plus en Fénelon qu’un détracteur de sa gloire ».
Le premier fragment du Télémaque paru en 1699 et arrêté à la page 208 a toujours compté parmi les livres les plus précieux de l’âge classique, le libraire Fontaine lui conférant, en condition de reliure identique, les deux tiers de la valeur de l’édition originale des « Précieuses ridicules » qui avoisine aujourd’hui les 400 000 €.
Brunet consacre une description minutieuse au rarissime premier tirage de cette originale :
« Quoique cette première édition du Télémaque soit revêtue du privilège du roi accordé à la veuve Barbin, l’impression en fut interrompue par ordre supérieur, lorsqu’il n’y avait encore d’imprimé que 208 pp. dont la dernière a 24 lignes et finit par ces mots : ‘il (Idoménée) marche chancelant vers la ville en demandant son fils’. Cette première partie n’est donc qu’un fragment qui ne va que jusqu’au tiers du 5e livre des éditions divisées en 24 livres. Toutefois, l’interruption dont il vient d’être parlé ne fut que momentanée, et la suite de l’ouvrage, formant quatre nouvelles parties, fut mise au jour avant la fin de l’année. Mais avant de décrire cette suite nous croyons devoir nous arrêter sur la première partie et sur les réimpressions plus ou moins furtives qui en ont été faites.
Les quatre ff. préliminaires de l’édition originale contiennent un faux-titre, portant : ‘Les Avantures de Télémaque fils d’Ulysse’, un titre ; Le Libraire au lecteur, avis accompagné d’un errata en dix lignes ; l’Extrait du Privilège du Roy, daté du 6 avril 1699. Au titre courant on lit ‘Odicée’ jusqu’à la page 120 ; après cette page, jusqu’à la page 168, ‘Odissée’, et ensuite ‘Odyssée’. »
Précieux et superbe exemplaire à très grandes marges (hauteur : 161 mm) provenant des bibliothèques A. R. Salem (ex-libris) et Edmée Maus (ex-libris).